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Et si on aidait plutôt les parties à s'entendre ?

Une interview d'Olivier Rijckaert et Maureen Degueldre sur l'intérêt de la médiation dans le monde du travail
Par Olivier Rijckaert, 17 juillet 2024

Interview publiée dans HTag by Références, Juillet 2024

Qui, un jour, a décidé qu e notre système judiciaire devait être fondé sur le fait q'un tiers prenne la décision à la place des parties en conflit ? La question mérite d'être posée au regard des résultats auxquels la médiation permet d'aboutir, y compris dans une variété de litiges en droit du travail.

Propos recueillis par Christophe Lo Giudice

La médiation a connu ses premières impulsions en Belgique il y a une vingtaine d'années, sans susciter à l'époque de véritable engouement, ni de la part des avocats, ni de celle des tribunaux - sauf pour la médiation familiale. « En droit du travail, le premier réflexe reste el tribunal, relève Olivier Rijckaert. Mais, pour certains types de dossiers, si les avocats ont en vue une solution rapide et efficace au litige, ils encourageront davantage le recours à la médiation. Dans 75 % des cas, celle-ci aboutit en effet à une solution et surtout, à une solution qui convient aux deux parties puisqu'elle est construite par elles ». D'après lui, une part substantielle des litiges en droit social s'y prêteraient. "On pense aux dossiers de discrimination, de licenciement déraisonnable, de charge psychosociale ou de harcèlement : des problématiques où l'humain prend largement le dessus sur les aspects financiers. Bien souvent, les plaignants ne demandent pas tant de l'argent que d'être écoutés, reconnus et respectés". De plus, lorsqu'on introduit une procédure judiciaire, la décision intervient généralement deux à trois ans après les faits, c'est-à-dire trop tard. La médiation permet d'agir rapidement, quand une véritable solution de fond est encore possible ».

Démarche appréciée

«La médiation se révèle particulièrement adaptée aux situations de tensions émotionnelles, appuie Maureen Degueldre. L'employeur a tout intérêt à y recourir dès qu'il voit qu'un conflit interpersonnel prend de l'ampleur et ce, avant qu'il ne dégénère. La démarche est souvent appré-ciée des travailleurs qui voient que l'employeur prend la problématique au sérieux et s'en empare à bras-le-corps ».

Pratiquer la médiation n'est-il pas contre-intuitif pour l'avocat ? «lI s'agit plutôt d'un état d'esprit, juge Olivier Rijckaert. Le fait d'être avocat ou d'exercer un autre métier n'a pas d'incidence, pour autant que l'on soit formé à la médiation. Comme médiateurs, à aucun moment nous n'utilisons d'outils juridiques. Nous devons nous déprogrammer, quitter notre casquette d'avocat. Une des particularités du processus est que le médiateur en cherche pas lui-même la solution: ce sont les parties elles-mêmes qui sont amenées à la créer. Le médiateur les guide vers cet objectif de renouer el dialogue entre eles par une série de techniques - l'empathie, l'écoute active, la reformulation ou encore la communication non-violente ».

Plusieurs engagements

Quels sont les ingrédients de la recette ? «Il faut d'abord que les parties soient volontaires et d'accord de recourir à la médiation, observe Maureen Degueldre. Eles doivent ensuite désigner un médiateur, en veillant à éviter tout conflit d'intérêts. Le médiateur planifie une première réunion pour expliquer le processus. Le médiateur et les parties signent alors un protocole de médiation qui comprend plusieurs engagements, dont l'obligation essentielle de confidentialité. Ensuite, la médiation débute à proprement parler. Elle comprend généralement trois à six séances, plus ou moins assorties de remous». Les accords qui se nouent contiennent souvent des aspects originaux, en marge des questions purement financières : reconnaissance du travail accompli, engagement de non-dénigrement, etc. « Toutes ces choses importantes, voire capitales pour la véritable solution du litige, qu'un tribunal ne peut jamais ordonner », conclut Olivier Rijckaert.